C'est la distinction la plus prisée, celle pour laquelle certains sont prêts à enchaîner les nuits blanches aux fourneaux. L'étoile du Guide Michelin, qui attire les gastronomes et fait trimer les sous-chefs. C'est pourtant à ce graal obtenu en 2005 qu'a récemment renoncé le chef Jérôme Brochot, du restaurant « Le France » établi à Montceau-les-Mines, en Saône et Loire.
L'histoire, plutôt rare, est racontée par le , sous la plume d'Adam Nossiter. A travers elle, c'est aussi le portrait d'une « autre France » qui se profile, celle de la France en crise, des petites villes touchées par le chômage et les délocalisations. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : dans ce bassin minier sinistré qui rame pour se reconvertir, Jérôme Brochot, 46 ans, dit avoir perdu en cinq ans 80% de sa clientèle et 40% de son chiffre d'affaires. « La décision de Mr Brochot, écrit le journaliste du New York Times, n'a rien de précipitée, elle ne doit rien à l'arrogance, pas plus qu'elle ne trahit ingratitude ou malveillance. Elle est plutôt le résultat d'une cause aussi prosaïque qu'importante : il ne pouvait plus se le permettre. »
était pourtant un audacieux pari : « une étoile dans une ville ouvrière, quel beau symbole », a rappelé le chef au journaliste du New York Times venu le rencontrer. Pari perdu hélas, la grande cuisine n'étant pas à portée de toutes les bourses. Ce restaurant d'un orange pimpant dans les rues peu fréquentées d'une ville de 18 000 habitants à la gloire passée, est-ce comme l'évoque le New York Times une preuve supplémentaire que la France vit décidément au-dessus de ses moyens ? Au Figaro, qui avait également rapporté l'information, Jérôme Brochot avait confié ne pas pouvoir conserver ses tarifs -entre 75 et 95 euros- dans ce contexte de crise. « Les menus seront proposés dorénavant à 45 euros, avec des formules qui peuvent descendre jusqu'à 25 euros. »
"On a ouvert nos portes à une nouvelle clientèle grâce à nos nouvelles formules, a expliqué le chef bourguignon à France 3. C’est une cuisine qui reste goûteuse, plus traditionnelle. En fait c’est un bon restaurant traditionnel, avec des prix attractifs, qui permettent aujourd’hui de tourner 4 jours, et pas seulement 2 jours par semaine".
L'ex disciple de Loiseau n'est pas le premier à avoir « rendu » son étoile à la fameuse bible rouge. Mais la grande majorité de ceux qui l'ont précédé -à commencer par Sébastien Bras, le fils de Michel, qui officie à Laguiole- sont des restaurateurs triplement étoilés. Qu'il s'agisse d'Alain Senderens ou de Joël Robuchon, ils ont souvent invoqués un changement de concept, une cessation d'activité ou l'excès de pression. Cette dernière a motivé la décision de Sébastien Bras qui, en septembre dernier, a demandé à ne plus figurer dans le guide Michelin. « Peut-être que je vais perdre en notoriété, avait-il alors déclaré à l'AFP, mais je l'accepte, je l'assume. Je vais pouvoir enfin me sentir libre, sans me demander si mes créations vont plaire ou non aux inspecteurs du Michelin. »