C'est une histoire qui a tout d'un scénario de film. Laissé orphelin par la Première guerre mondiale en France, puis récupéré par des soldats britanniques, le tout jeune Honoré Hermene s'invite à la table de soldats australiens le jour de Noël 1918, à la base de Bickendorf, en Allemagne. Il est alors très loin d'imaginer que cette rencontre l'emmènera jusqu'en Australie, dans les mois suivants.
D'Honoré Hermene à Henri "Young Digger"
L’histoire commence le jour de Noël 1918, alors que des soldats australiens de l'escadron N°4 de la Royal Australian Air Force sont en train de manger à la base de Bickendorf, en Allemagne. Un petit garçon affamé se joint à eux, se présentant comme Honoré. Il explique que sa famille a été tuée au début de la guerre et qu’il a survécu grâce à l’aide de soldats britanniques.
Puisque "Honoré" est difficile à prononcer en anglais, le petit garçon se fait rapidement appeler "Henri" par et par le surnom « Digger ». Il devient alors la mascotte des soldats australiens durant quelques mois.

Credit: Courtesy of the Tovell family
Henri s'intègre alors à la vie de l'escadron "plaisantant avec les hommes", "faisant des tours en avion".
Les soldats choisissent le jour de Noël comme la date d'anniversaire du jeune garçon. Une date qu'il utilisera pour le reste de sa vie.
Selon la Dr Meleah Hampton, historienne à l'Australian War Memorial, le garçon "ne savait pas quel âge il avait" lorsqu'il a recontré les soldats australiens. "Mais les médecins ont dit qu'ils pensaient qu'il avait environ neuf ans à ce moment-là", explique-t-elle.
Transporté clandestinement en Australie
L'un des soldats de l'escadron, Tim Tovell, marié et père de famillle, s'attache au garçon, et souhaite le ramener avec lui en Australie, dans le Queensland. Mais "les autorités françaises et anglaises ne voulaient pas qu'il parte, elles voulaient qu'il aille vivre dans un orphelinat", complète la Dr Meleah Hampton.
En mai 1919, les soldats australiens cachent alors Henri dans un sac d’avoine et un panier lors de leur trajet en bateau vers l’Australie.
Lorsque Henri est découvert, le capitaine du bateau accepte de garder le secret.
Adopté par la famille Tovell
La Dr Meleah Hampton précise, elle, que “sur le chemin du retour, un autre passager du bateau s'est avéré être le premier ministre du Queensland, et il a pu s'occuper des formalités administratives pour que le petit garçon puisse quitter le bateau et entrer dans l'État du Queensland".
Tim Tovell et sa femme, dont le fils est décédé en 1919 alors que Tim était en Europe, obtiennent la permission d’adopter Henri. Il vivra avec eux durant cinq ans, faisant véritablement partie de la famille.

Young Digger avec la famille Tovell en Australie Credit: Courtesy of the Tovell family
Une fin tragique
Henri déménage par la suite à Melbourne, en 1924, où il travaille comme garçon de bureau et apprenti mécanicien d’aéronefs dans l’armée.
Mais il meurt tragiquement en mai 1928, dans un accident de moto. Après son enterrement, avec les honeurs militaires, au cimetière Fawkner, on lui érige une statue, qui disparaît dans les années 50.
En 2009, la RAAF Association of Victoria et le gouvernement fédéral ont cependant inauguré une nouvelle plaque commémorative en l’honneur de Henri, « Young Digger ».
Un livre retrace l'histoire de "Young Digger"
Selon l’auteur australien Anthony Hill, qui a d’abord écrit un populaire livre pour enfant relatant histoire d’Henri en 2002, avant de sortir, en 2016 une adaptation en livre pour adultes, Tim Tovell ne s'est jamais remis de la mort de son fils adoptif.
Pour recoller les morceaux de l’histoire d’Henri et Tim, mais aussi sur des archives de journaux, des photos, des cartes postales et des entretiens avec les filles de Tim : Nancy et Edie. Ces dernières se souvenaient très bien de Tim, qu’elles considéraient comme leur petit frère.
Le mystère plane toujours
Mais même après l’écriture de ce livre, l’identité d’Henri demeure toujours nébuleuse. On sait qu’il serait Français ou Belge, que son vrai nom est Honoré, qu’il a d’abord été recueilli par les troupes britanniques près de Lille et que son père était propriétaire ou travaillait dans une brasserie. On croit aussi que son père serait mort durant la Bataille de Mons, en août 1914.
D’après le consul français de Brisbane, qui avait rencontré Henri à l’époque, le garçon semblait éduqué et parlait un excellent français.
Anthony Hill a réussi à accumuler plusieurs indices, mais l’identité d’Henri est toujours inconnue. « Cette histoire n’est pas terminée », dit l’auteur. « Elle le sera seulement quand on trouvera qui était ce garçon, d’où il venait et qui était sa famille. »

Credit: Courtesy of the Tovell family
Ecoutez notre interview (en anglais) avec l'auteur

Anthony Hill - The Mystery of the Little Digger